Rencontre : Pierre et les tissages de laine recyclée
Après avoir rencontré Jean-Michel et Fabrice de la Filature Du Parc, on se rend chez Pierre, qui tisse notre fil de laine recyclé pour en faire un tissu doux et résistant.
Les tissus A. Calvet, une entreprise familiale
Le père de Pierre, originaire du petit village de Senaux, est né en 1929. À la ferme familiale, il n’y avait pas assez de travail, il est donc parti à vélo jusqu’à Castres pour chercher du travail.
Avant de se mettre à son compte, il travaille comme tisserand à la tâche. Puis, en janvier 1950, il crée les tissus André Calvet et est rapidement victime de son succès. Il doit alors chercher des mécènes, qu’il arrive à trouver plutôt facilement, pour acheter des matières et augmenter sa capacité de production.
Le succès est rapide, et pour cause ! À Castres, les femmes des militaires s’ennuient et demandent des tissus pour coudre. C’est ainsi que le père de Pierre fonde son magasin de détail.
Cette affaire qui roule connaît aussi des difficultés, Pierre se rappelle notamment de l’année 1974 marquée par la crise pétrolière de l’époque et la concurrence rude des Italiens. Il fallait aussi chercher un nouveau local, et c’est d’ailleurs dans celui-ci que Pierre nous a accueilli.
Les débuts de Pierre
Pierre n’a pas vraiment fait les études qu’il voulait : son objectif était d’aller étudier à Lyon en centre de formation. Comme ses sœurs étaient déjà en études, sa famille n’a pas assez de moyens pour l’envoyer dans le Rhône. Il se retrouve donc à Toulouse, dans une licence d’économie et gestion. À la fin de sa formation, son père lui demande la définition de l’URSSAF. Pierre ne sait pas répondre et son père décide de le prendre sous son aile.
Pierre a donc appris l’essentiel pour gérer une entreprise en famille. En parallèle, il commence un CAP tissage en cours du soir. Il intègre l’entreprise de son père après son service militaire. Pierre s’est naturellement tourné vers le tissage, il aime la diversité de couleurs, de matières et de la possibilité de créer, surtout des tissus en laine.
Aujourd’hui, Pierre gère l’administratif de l’entreprise, il organise le travail de ses employés et du tissage. Il gère aussi les achats de fils, le réapprovisionnement du magasin et la relation avec ses clients.
Les défis d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Pour André, le père de Pierre, la difficulté venait de la concurrence italienne qui proposait des tissus moins chers. Il voulait arrêter la fabrication de tissus, mais son fils à su lui tenir tête pour continuer la production.
Avec la concurrence et la délocalisation en Asie qui proposait des textiles beaucoup moins chers, Pierre a dû adapter son offre au marché en proposant de la laine peignée de qualité supérieure. Il a aussi dû trouver d’autres débouchés que celui du prêt-à-porter, il s’est donc tourné vers les tissus d’ameublement, mais travailler avec ce secteur n’était pas chose facile : négociation constante des prix à la baisse, production de nombreux échantillons pour trop peu de volume… Pierre a donc stoppé cette voie qui n’était pas rentable. Aujourd’hui, ses principaux clients font partie du secteur de la mode durable.
L’avenir de sa filature ne lui semble pas très radieux. Le domaine disparaît et Pierre ne sait pas ce que lui réserve l’avenir. Son objectif est de se maintenir en forme pour gérer l’entreprise le plus longtemps possible. Malgré cela, l'interdépendance avec d’autres entreprises de la région Tarnaise est forte. Le tisseur a besoin de la filature, des apprêteurs, des teinturiers.
Cependant, Pierre a des idées pour revaloriser tout ce savoir-faire : augmenter la communication entre les différents fabricants, créer des usines-écoles pour encourager les jeunes à poursuivre la voie du textile, centraliser les étapes de fabrication. Il y a beaucoup de points à améliorer pour solidifier ce qui reste de l’industrie textile dans le Tarn.
Secret de survie
Pierre est le dernier tisseur du Tarn. En 35 ans de carrière, il n’a pas assisté à une seule création d’entreprise, mais à beaucoup de fermetures.
Son secret : un magasin de détail et un tournant vers l’ameublement qui lui ont permis de maintenir l’entreprise à flot. Il pense aussi qu’il ne faut jamais dire non à une proposition, et qu’il faut être capable de s'adapter au client pour ouvrir de nouveaux marchés.
Pierre a su relever les défis du déclin de l’industrie textile dans le Tarn. Son amour de la laine le pousse à toujours innover. La touche Calvet, c’est un apprêt du tissu soigné, une qualité hors du commun que l’on retrouve sur la basket, la chaussette en laine et la casquette en laine notamment.